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Garou - 31 - Equinoxe

Rapport
1999-08-02
Equinoxe 
 
 
La nuit était presque tombée dans le vieux temple, le gong résonnait au loin dans la tête du méthis, à intervalle régulier, comme une vibration sourde et spirituelle. Les mantras, tels des  papillons s'envolaient et avaient entraîné avec lui l'esprit du change forme. Celui-ci avait vagabondé dans les méandres  de ses tourments avant qu'il ne se pose enfin, trop fatigué pour résister à cet appel venu du tréfonds de son âme. Il ouvrit les yeux et un grand bâtiment lumineux  lui apparut comme dans un souvenir lointain, posé de manière élégante  à l'extrémité d'une corniche rocheuse . À part lui, il n'y avait pas âme qui vive sur ce bout de terre qui n'avait que pour compagnie  un ciel de nuit d'été parsemée de milliers d'étoiles plus scintillantes les unes que les autres formant à elles seules une rivière de lumière. Deux lunes pleines et entières trônaient et veillaient telles deux sœurs sur ce lieu féerique empreint de majesté et de sérénité. Pendant un moment, Nimik  resta là, à admirer ce paysage irréel, profitant de la douceur de ce soir de fin d'été, et prenant la mesure de ce sanctuaire tellement calme et singulier, hors du temps et loin du monde. Il oublia une seconde ce qui s'était passé il y a peu avec sa meute, il oublia même  l'enfer de son passé qu'avait été sa vie chez son père, il oublia aussi pourquoi il était venu ici même. Il était juste une âme errante et harassée par une longue journée de voyage, soulagée d'atteindre enfin ce bâtiment, impatient d'enlever ses chaussures et de boire un verre. Il sourit comme s'il était enfin arriver à la maison. 
 
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La lumière bleue du ciel sembla brusquement plus vive  et Nimik  frissonna. Il hésita, il sentit soudain une présence indicible vers le bâtiment qui lui était familière. Il était encore temps de rebrousser chemin et de tenter de continuer sa vie en pariant sur le fait qu'un jour, il oublierait toutes ses horreurs vécues sur Gaïa, ou au moins que le souvenir du cauchemar perdrait suffisamment de substance pour le laisser vivre, un peu. Le simple fait de formuler ces doutes en pensée lui fit prendre conscience à quel point il était vain d'hésiter. Il traversa le pont sur lequel flottaient des lampions,  d'un style qui se rapprocherait le plus d'un de l'art asiatique sur Gaïa , qui éclairaient le passage d'une lumière douce puis passa alors le portail blanc forgé qu'il avait déjà franchi auparavant mais dont il ne se souvenait pas comme une intuition fugace de déjà-vu.   
Rien ne semblait avoir changé dans cette bâtisse. Tout était blanc et bleu dans le hall d'entrée et dans l'immense  salle de réception. L'impression générale était plaisante et étrange, car quand on faisait un peu attention, on remarquait que les peintures et fresques affichées sur les murs se mouvaient comme si leurs personnages  étaient vivants, jouant des scènes de bataille, de parade ou parfois même de salut. Signes d'un haut lieu de gnose d'une splendeur inégalée. Il émanait de ce lieu une lumière forte mais qui n'aveuglait pas. Nimik avança comme s'il connaissait le lieu. Il passa plusieurs pièces et arriva à  la salle à manger. Il était bien trop tard pour le dîner !  Il s'approcha de la grande baie vitrée : quelques mètres en dessous se trouvait la terrasse extérieure, à laquelle on accédait par un petit escalier blanc. Des petites tables y étaient dressées, chacune éclairée par une lanterne. Encore plus en contrebas se trouvait un kiosque en fer forgé illuminé de lampions volants , enchâssé entre les rochers, qui surplombait la mer. Regardant ce spectacle magnifique, il ressentit soudain une sensation , celle qu'une personne se trouvait derrière lui. Il s'écarta vivement, car il ne l'avait pas entendu arriver et s'aperçut que Blue était arrivée entre-temps et l'observait.  
 
— Bienvenue ! lui lança-t-elle d'un ton enjoué.  
 
Nimik se demanda si il ne rêvait pas. Était-ce bien elle ? Nimik la fixa et  réalisa qu'elle n'avait jamais été aussi belle, il émanait d'elle une aura argenté. Il s'approcha d'elle  et tendit sa main jusqu'à sa joue, comme pour vérifier si elle était bien réelle.  Alors elle attrapa sa main doucement pour l'enlever de son visage et l'embrassa sur la joue. Puis, elle recula.  
 
— Que fais-tu là ? demanda Nimik  
 
—Je viens t'aider quelle question dit-elle d'un ton amusé  
 
— Mais pourquoi ? Tu n'aurais pas dû venir, c'est peut être dangereux ici  
 
— Tu aurais fait pareil pour moi et je ne suis pas sans défense, tu as bien fait de venir, dit-elle d'une voix assurée.  
 
— Je te demande pardon ? Tu connais cet endroit.  
 
—Non, mais quelqu'un m'y a invité, comme toi, quelqu'un qui veut nous parler.  
 
Nimik  ne sut pas quoi répondre. Il était  venu chercher la paix en ce lieu , un peu de calme mais il ne s'attendait pas à ce que quelqu’un veuille le voir ici et quelqu'un qui le connaissait bien  de toute évidence. Il s'installa au bord de la baie vitrée avec Blue et ils attendirent là tous les deux en silence que cette personne vienne à eux, regardant le ciel étoilé, ce fameux ciel que Nimik ressentait en sa présence. Nimik s'était attendu à être terrassé par l'angoisse, mais pour l'instant ce n'était pas le cas. Il ses entait bien en ce lieu , comme protégé.  
 
Plus tard cette nuit-là, une jeune femme apparut, au niveau du kiosque, éclairée par les deux lunes  presque pleine, tel un fantôme errant. Il sembla à Nimik qu'elle se tourna vers lui et le fixa avant de gravir les escaliers jusqu'à eux. La marée était haute, mais la mer était très calme et l'eau parfaitement transparente. La lumière de la lune rendait l’ascension de la fille hypnotique et la regarder lui fit une impression étrange, il la connaissait.  Il la suivit des yeux pendant ce qui lui sembla durer des heures, dans un état de tension extrême, calmé par la main de Blue qu'il serra fort.  
 
Finalement la femme fit son entrée, elle était jeune du moins en apparence. Elle était vêtue d'un simple peignoir de soie noire. Sa tête était recouverte d'une capuche que tenait un masque qui couvrait la moitié de son visage représentant un loup noir et or qui devait représenter certainement Anubis. elle était presque dénudé et des tatouages de style égyptien couvrait son corps que le méthis regarda avec insistance. Nimik fut déstabilisé, sa première pensée fut qu'elle serait offensée d'un tel regard si appuyé et qu'elle lui dirait d'arrêter de l'observer. Il essaya de rester calme, après tout il n'avait rien fait de mal. 
 
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— Bonjour... Mon petit Equinoxe, tu as bien grandi !  Bienvenue à Kinkaku -Ji ! Que puis-je pour toi ? Enfin pour vous... ?  
 
Elle eut un rire amusé.  
 
— Euh , où sommes-nous ? et pourquoi suis-je ici ? demanda Nimik un peu abasourdi  
 
Elle ne répondit pas, se contentant de le fixer d'une étrange manière, intense et pénétrante. Finalement, elle s'approcha dangereusement de lui et posa sa main sur la poitrine de Nimik, d'un geste ferme et doux à la fois.  
 
— Je vais entrer, lui dit-elle, et ce n'était pas du tout une question. 
 
Nimik voulut se reculer mais c'était trop tard, la jeune femme était déjà dans son esprit et en  regardait tous les recoins. Le cœur de Nimik  s'arrêta, il ne put détacher son regard des siens, dont il pouvait  sentir la douce force et la volonté infaillible. Sous le choc d'une telle perfection,  de la faiblesse qui le  traversa, mais  aussi de la surprise et de la peur de voir cette femme inconnu si belle le mettre à nu, il eut un vertige très fort. Il vacilla une première fois, la fille le fixait toujours, elle souriait, et dans ce sourire il y avait tout un monde, dans lequel il sut qu'il allait se perdre... Il dut s'appuyer contre la  table de la pièce, cette fois comme des assauts spirituels répétés un plus fort à chaque fois. Elle lui prit la main, la sienne était fraîche et ce contact était déjà horriblement agréable. Elle guida la main de Nimik  vers sa poitrine, et il était comme paralysé. C'était douloureux et magnifique à la fois. Il se rappela alors qu'il n'avait jamais touché une femme de la sorte et c'était troublant. Il retira sa main vivement car cela devint affreusement douloureux et se recula. Il respira, et ce fut un soulagement, car il avait été comme en apnée pendant tout ce temps.  Mais il était trop tard, la jeune femme avait trouvé la faille, il posa un genou à terre soutenu par Blue qui avait mis une main dans son dos , et il se mit à pleurer sans pouvoir s'arrêter, elle avait fait remonté toute la noirceur et la peine qui accablait Nimik. La fille ne dit pas un mot, puis elle vint silencieusement s'asseoir à côté de lui. Elle lui posa simplement la main sur la cuisse, et attendit que le méthis eut extirpé toute cette obscurité accumulée. Alors une fois fait ,elle  commença à lui parler.  
 
— Je l'ai vu aussi, ton passé....votre passé. elle regarda un instant Blue. Il ne doit plus être un obstacle, ta mère n'aurait pas voulu cela Nimik. 
 
La voix de la fille était très douce.  
 
— Quoi ? Vous la connaissez, ? Est-elle vivante ? (elle fit un signe de la tête) Je le savais ! Nimik se sentit à la fois soulagé et horrifié. Elle vient souvent ici ?  
 
— Je ne la vois que rarement. C'est sa maison, ici Equinoxe, c'est elle qui m'a demandé de venir.    
 
Nimik  se sentit exalté d'une manière nouvelle. En plus de savoir que sa mère était vivante, il put enfin, délester totalement à quelqu'un son histoire, sans qu'il ne le traite de fou, de faible ou de pauvre méthis. Cela avait comme libéré une nouvelle énergie en lui. Il comprit à quel point une part de lui-même avait été en fait profondément éteinte, depuis toutes ces années – certainement – pour se protéger de l'inacceptable violence. Cette part de lui-même venait de mourir et tout était à nouveau possible. Nimik  posa sa main sur l' épaule de la jeune fille, qui était toujours assise à ses côtés et se pencha . Il déposa un baiser sur sa joue, et c'était un baiser simplement spontané, tendre et joyeux de remerciement.   
 
Il se leva doucement, se remet ant peu à peu de cette épreuve et sortit lentement sur le balcon de la salle à manger, pour prendre l'air. Le ciel était d'un bleu nuit très clair,  la marée était basse et la mer parfaitement calme, sans la moindre ride sur l'eau.  Tout était nouveau. Tout était parfait. Son désir de vengeance n'avait pas disparu, mais il n'était plus la fin de tout. La jeune fille vint le rejoindre. Elle s'accouda au balcon, collée à lui, et il se sentit bien.  
 
— Je m'appelle Nimik, lui dit-il sans la regarder.  
 
— Je sais...mais on t'appelait souvent Equinoxe....... Moi c'est Nawasa. Ne me demande pas d'où ça vient, je n'en sais rien ! Un nom donné par ma mère.  
 
— Alors enchanté, Nawasa et Merci.   
 
Il laissa un silence s'installer. Il pressentait que leur relation avait pris un tour singulier, mais il lui restait évidemment pleins de sujets à aborder et de questions à poser.  
 
— et pour Blue ?  
 
— Nous avons déjà eu une discussion , tu as mis du temps à venir et elle est plus rapide que toi.  
 
Nimik regarda Blue d'un air protecteur et elle lui sourit, lui faisant signe de profiter du moment et de ne pas s'occuper d'elle.  
 
— Pourquoi m'aides-tu... il hésita, un peu troublé, on ne se connaît pas, enfin je suppose ?  
 
— Parce que tu es mon frère.  
 
Sa réponse fut désarmante de sincérité et de candeur. Mais finalement Nimik ne fut pas si surpris.  
 
— Je t'ai trouvé tout de suite. Je me souvenais de toi, tu sais, même si cela faisait longtemps.  
 
— Et maintenant. Que dois-je faire ?  
 
— Ce que tu as toujours fait....avancer et jouer ton rôle Equinoxe. Les réponses viendront plus tard, tu auras sa visite quand le moment sera venu, si tu survis. Tu sais , notre mère, c'est une grande théurge, très mystérieuse,  qui a sa propre vision des faits et qui agit selon le mouvement des étoiles qu'elle seule comprend.  
 
Il trouva étranges ces mots dans sa  bouche, mais c'était la seule  chose à dire, sûrement...  
 
— D'accord, répondit-il simplement sans poser plus de questions , alors qu'ils en avaient des milliers qui lui trottaient dans la tête, sachant instinctivement qu'il n'en saurait pas plus ce soir-là. 
 
Ils restèrent ensuite longtemps sans rien dire sur ce balcon, face à la mer, et Nimik n'arriva pas à se rappeler avoir passé un moment aussi reposant depuis longtemps. Puis, elle partit comme elle était venu. 
 
— A bientôt Equinoxe, elle lui glissa un pendentif rond en métal dans la main, blanc et noir avec un symbole et un baiser sur le front avant de partir.  

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Au moment précis où il regarda la pièce, le bâtiment  commença à chanter. C'était comme si toute la structure autour de lui s'était mise à vibrer, cela lui fit penser au chant des baleines, mais plus aigu, ou parfois plus grave, et aussi plus continu, plus lent, plus profond. Et cette harmonique impossible semblait venir de partout, y compris de l'intérieur de lui. Nimik fut puissamment désorienté, mais il ne ressentit aucune inquiétude, il pensa à un ciel étoilé, non il faisait partie de l'univers et cela ne lui sembla pas incongru. Il remarqua de nouveaux détails minuscules dans son esprit , son esprit distingua une constellation précise dans le ciel mais il ne sut pas ce qu'elle représentait.  

Puis tout se mit à tourner, il essaya de prendre la main de Blue mais tout devint flou, il hurla........... avant de revenir en sueur au vieux temple plein  de questions et avec un pendentif représentant un soleil et une lune imbriqués dans la main avec un mot qui résonna dans sa tête "Equinoxe"