[La Traverse]
Durant plusieurs jours, Cain et Torviil ont été cherché des plantes autour de la Traverse, tandis que Lyrd’Nidya a construit une statuette de cheval, haute d’un peu plus d'un mètre, avec l’aide de Ludwig.
Cain a ramassé des racines et des polypores, ces champignons poussant sur les bois morts, symbole de la Souche Noire, et du lichen pourpre pour les dédier à la Tête Rousse. De son côté, Torviil, qui a convaincu ses camarades du besoin de prier Tumulte, proche de la mer et des marais, a ramassé des salicornes et a également déniché des sphaignes qui plairont également à la Tête Rousse.
Le vieil homme retire le forsythia enfumé joint aux quelques tournesols séchés qu’il avait laissé la veille, en offrande à la Bouche d’Or, et commence à disposer les autres plantes, parmi le petit cromlech et les cailloux empilés par lui et Lyrd quelques lunes plus tôt. Torviil et Lyrd disposent le lichen et les sphaignes pour former un tapis moussu, et Cain positionne les polypores et quelques brins de plantes parmi les pierres, formant de petites huttes rocheuses semblables à des fours, disposées en cercle tout autour de la statuette de cheval. Enfin, ils terminent la disposition du rituel en glissant des crins des chevaux et des autres bêtes de la patrouille parmi les pierres, la mousse, et tout autour du petit autel central. Ca y est, le rituel peut commencer.
Les cavaliers attendent la nuit tombante. Chacun et chacune sont convié.e.s à se joindre à cette assemblée nocturne. Le silence est de mise, puisque les prières tendent vers la Souche noire. Seul le bruit du vent, du feu et de la mer emplissent la scène, et montent vers Tumulte, tandis que Cain fredonne l’air du conte de Shura d’une voix grave et discrète à l’attention de la Bouche d’Or.
La guerrière s'approche de la statuette du cheval, saisit sa pointe de flèche dans la main, plie le genou et dépose sa hache au sol. Son pouce effleure une sorte de petit symbole, gravé à la base de l'objet.
Pour l'occasion, elle avait pris le temps de sculpter un petit morceau de bois en forme de rapace, doté d'une tâche sombre en forme de goutte séchée dessus. Elle rapproche les deux objets et ferme les yeux. Certains reconnaîtront une petite similarité avec un rituel norrois en l'honneur d'un de leurs dieux, bien que la prière de cette cérémonie se dirige plutôt vers la Larme Rouge. Peu de temps après, elle dépose délicatement l'oiseau sur la statue équine et s'éloigne en rangeant sa pointe dans le manche de sa hache.
Les vivants assis en tailleur parmi les pierres empilées forment une spirale vue du ciel. Cette spirale est dédiée à la Tête Rousse, une toile dansant la vie et se rassemblant vers la lumière, dans ce même motif que nous retrouvons partout : à l'extrémité des fougères, sur les pommes de pin ou dans les tournesols, sur les bourgeons qui éclosent, dans la forme des vagues et des tourbillons, ou sur les coquilles et coquillages...
Cain, Lyrd et Torviil embrasent alors d’abord les petites huttes de pierre, et la fumée crépitante des polypores monte vers le ciel étoilé. Ils embrasent ensuite le lichen et la mousse au sol, et un tapis de fumerolles vient se joindre à la brume du soir qui reste ancrée aux roseaux. Les cavaliers sortent du grand cercle, puis reviennent au centre en silence en suivant les tracés spiralés et en tendant des salicornes à mâcher aux membres des cercles. Ils répètent ce procédé une dizaine de minute, avant de rejoindre le centre.
Là, ils enflamment la statuette équine, et s’assoient autour d’elle, recouverts de peaux en guise de couverture, priant silencieusement tout en regardant les flammes danser sous la lune, dans cet agencement de vie et de roche. De sel et de cendres. De fumée et de brume.
Et tandis que chacun quittera lentement la spirale pour retrouver son foyer et son lit, les trois cavaliers somnoleront ici cette nuit, laissant monter le souvenir de cette soirée et leurs rêves aux dieux, en guise d’ultime offrande.