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Les chroniques d'Eléonore - 06 - une visite privée

Les histoires rocambolesques d'Eléonore


Le 26 août 1999.

2h du matin.

Voilà une heure que je déambulais dans la Mordaunt Galery, je connaissais toutes ses œuvres par cœur, sauf une qui me laissais perplexe.


Elle faisait écho à mes pires cauchemars.  J’étais obsédée par le devenir de notre monde le 11 octobre 2000. Je ressentais au plus profond de mes tripes l’horreur à venir. Cette toile exposait mes craintes les plus funestes… Et si…

-          Et si le Prince avait pactisé avec un démon ?

-          Et si c’était ce que nous appelions la Géhenne qui allait nous tomber sur le coin de la tronche ?

-          Et si nous n’arrivions pas à déchiffrer ses glyphes sur ces foutus Clefs à temps ?

Depuis la mort de Gabriel, je me sentais seule dans ce combat. J’avais de grand espoir concernant ces Clefset l’un des secrets qu’elles pourraient nous livrer.

Je suis un Vampire, la peur je ne la ressens plus depuis longtemps. Je ne suis que vengeance et soif de sang…  C’est ce que j’aimerais me faire croire pour ne plus ressentir cette trouille qui grandit en moi. Ma soif de rendre ce monde meilleurs, d’éliminer tout ces rats puant de notre belle planète. J’ai conscience que mon projet est vain, mais chaque vermines éliminées et un pas de plus vers mon absolution.

Il est l’heure, il n’y a plus un chat dans la galerie, j’en ai le libre accès ce soir, du calme pour une visite privée.

Je sors pour accueillir mon invité. Je me rends dans la ruelle juste à côté pour me fondre dans les ombres, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre cette nuit. La dernière fois que j’ai croisé Artyom, j’ai assisté à des fiançailles surprise qui aurait pu finir en bain de sang.  J’ai apprécié la personne et son dévouement lors de cette épreuve. Le sacrifice qu’il était prêt à faire… Nous sommes à peu près pareils finalement, mais ça, il ne le sait pas.

Il arriva telle une ombre, habillé d’une magnifique cape noir et grise, brodé de multiples runes.  Savait-il décrypter les glyphes ? Ce n’est pas le sujet me morigénais-je intérieurement.

Il enleva sa capuche et je ne pu que l’observer fixement, il me salua finalement et je fis de même. Par un signe de tête je lui indiquais le chemin et prenais la route pour la Mordaunt Galery.

Une fois passée la porte, je me retrouvais de nouveau dans mon élément, l’art, mes souvenirs, mon père. Cela me fit sourire succinctement.

-          « Bienvenue Artyom ! »

J’aimerais lui dire bienvenue chez moi, mais ce n’est pas le cas, je suis chez Elizabeth mais je m’y sens comme chez moi.

-          « Merci Eléonore, c’est un honneur ! »

Voilà longtemps que je n’avais plus ressentis cela. Les garous sont finalement plein de surprise ! Ludwig me replonge dans mes souvenirs, Artyom me fait ressentir quelque chose que pour l’instant je n’arrive pas à analyser.

Une sorte d’alchimie qui fort heureusement, ne me déstabilise pas. Je garde le cap, lui faire visiter la galerie.

Je lui montre la voie et commence à lui expliquer toutes les œuvres peuplant ces murs, des plus petits détails aux plus insignifiants.

Il montre un intérêt pour l’art, en particulier, occulte, qui me surprend fortement.

Je n’en suis pas à penser que Artyom est un débile ou un sauvage et même si il a changé j’ai tout de suite compris que le « Méthis » comme les autres caïnites et en particulier Kemin'Tiri aime l’appeler, cachait des douloureux secrets qui faisaient échos aux miens. 

Le hasard de nos déambulations nous mène à aborder des sujets tels que nos conditions respectives, mais surtout la sienne, j’évite de me mettre trop en avant, j’aime écouter les autres. Je ne peux que constater que nous avons vécu chacun notre lots d’épreuves qui, certes, nous ont mis à genou mais, nous ont fait tels que nous sommes aujourd’hui.

Qui serais-je si je n’avais pas connu l’horreur ? Serais-je différente ? Serais-je meilleure ou pire ?

Quand je regarde Artyom, je suis intriguée par ce melting-pot d’émotions. Son aura à la fois blanche et noire, chatoyante et obscure m’intrigue, me fascine mais, même si l’inquiétude devrait m’étreindre, j’ai bizarrement confiance en cet homme.

Je connais le mal, je l’ai touché, senti, ressenti, sur moi… en moi… mais j’ai la conviction qu’en cette instant, en plongeant mes yeux dans le néant des siens, que malgré tout, je suis en sécurité.

A chaque œuvre, il s’arrêtait, posait des questions pertinentes, profondes et philosophiques. Voilà bien longtemps que je n’avais pas passé un si bon moment, entrée avec un inconnu dans cette univers et ne plus voir le temps passer. Mettre de côté, pour un instant, ma haine, ma rage, ma colère obscure, ma douleur si grande.

Me délester, avoir la sensation de respirer de nouveau, la légèreté de l’innocence retrouvée. 

Lui livrer ma vision, mes émotions et en débattre avec respect, oui, voilà bien longtemps que je n’avais pas passé un si bon moment.

Tout d’un coup, je ressentis des sensations étranges, une sorte de chaleur et des frissons parcourait ma joue comme une douce caresse.  C’est alors qu’Artyom m’expliqua la visite d’une Les Morriganes, un esprit de la sagesse occulte, attirée par notre visite et le débat qui en découlait. C’est elle qui m’avait offert ce cadeau.


Malheureusement, il était maintenant l’heure pour nous de nous séparer. Je refermais la porte sur mes émotions et retrouvais mon statue d’Être sanguinaire. Je revêtis de nouveau mon visage intransigeant au regard persan pour cacher aux yeux de tous la véritable Eléonore Dorville.

Mais je garderais secrètement, au fond de moi, cet instant de paix intérieur, cette connexion que je ne comprends pas mais qui m’a apporter l’apaisement dont j’avais besoin pour poursuivre ma mission prochaine.

Le peuple lycans m’offrait d’innombrables cadeaux sans le savoir. Une part de mon humanité, oublié, trahit par ma haine. La retrouver est douloureux mais salutaire.


Eléonore Dorville