1. Journals

S1E28 - L'Arche de Norrig

Expédition
2022-02-27

Attention : Le rapport détaillé peut contenir des éléments pouvant mettre mal à l'aise les personnes les plus sensibles bien qu'il ait été rédigé de la façon la moins explicite possible sans dénaturer ce qu'il s'est passé pendant l'expédition.


Rapport de l'expédition ayant eu lieu le 8 du Guide, rédigé par Norrig

Résumé de l'expédition

  • Départ de l’auberge du Griffon Ivre pour Okoth, Gwydolin, Kahanna et Norrig accompagnés par Pietr et Ratus Magnus II ainsi que Huan.

o   Objectif : Ramener le griffon avec nous (vivant) ou bien le faire fuir du secteur

  • Rencontre avec des stryges sur le lieu d’un éboulement. On arrive à en tuer une partie et à faire fuir le reste, mais trop tard pour sauver les victimes. Kahanna est mordue par un serpent, mais a un antidote. On découvre une scène d’embuscade ainsi qu’un coffre ouvragé contenant de biens de valeur. Je dépèce la mule morte pour appâter le griffon, nos réserves de viande ayant été consommées par ma magie.

  • La femelle griffon semble hostile, mais surtout elle semble avoir été dressée et brutalisée. Le cadeau de viande a partiellement fonctionné avec un peu d’intimidation et un rodéo furieux. Elle a fini par m’accepter. Mais rien n’est encore gagné.

  • Kahanna a découvert des esprits prisonniers d’une certaine Aurora pendant sa projection astrale. Elle a failli rester coincée là-bas, mais a pu s’échapper et a promis que l’on reviendrait enquêter.

  • Un ogre fait son apparition et le combat s’engage alors qu’il essaye de dévorer la patrouille. Il fait attaquer la griffon, qui s’appelle « Rani ». J’arrive à mettre au sol l’ogre et nos attaques conjointent parviennent à le terrasser. Mais la griffon panique complètement et attaque tout ce qui passe à sa portée y compris le corps de son ancien maître qu’elle réduit en charpie. Elle blesse très grièvement Okoth sans que personne ne puisse s’interposer.

  • Okoth agonise et, malgré les soins apportés par Kahanna et Gwydolin, finit par rejoindre les étoiles et son épouse défunte. Un choc pour notre groupe. Même Ghulham semble surprise de ce décès que personne n’avait désiré.

  • Le cœur lourd nous sommes retournés à la Traverse en récupérant au passage le reste du coffre que l’on avait laissé derrière.

Butin de l'expédition

  • 200 po
  • Une corde Sidhe ayant le pouvoir de s’enrouler, de se dérouler, de se nouer seule appelée « corde astucieuse »
  • Des tissus précieux
  • Un coffre ouvragé
  • Une femelle griffon « Ghulham » qui a choisi de suivre Norrig qui en est donc responsable désormais

Suites de l'expédition

  • Annoncer aux patrouilleurs la mort d’Okoth
  • Faire étudier la corde par ceux qui connaissent la magie Sidhe.
  • Prévenir la famille Grise-tête, s’il en reste, à la Traverse.
  • Enquêter sur les bandits. Un nouveau groupe ou une attaque isolée ?
  • Envoyer une nouvelle expédition à la Tour avec Kahanna afin d’en savoir plus sur ces esprits prisonniers
  • Prendre soin de Ghulham et lui apprendre à ne pas manger/attaquer tout ce qui se passe (Norrig)

Rapport détaillé

Le départ

Le soleil est levé depuis quelques heures. Le ciel, clair et dégagé. J’ai quitté le calme de mon bosquet pour rejoindre mes camarades au Griffon Ivre. Une auberge. J’aurai préféré une rencontre en plein air, mais le reste de la troupe avait besoin de se nourrir avant le départ. Soupir. A l’intérieur, tout est calme. Il y a quelques clients, le personnel et nous. C’est déjà ça. Au fond de la salle, une fresque inachevée. Un immense griffon. Drôle de présage pour la journée à venir. Un bon j’espère.

Chacun boit et mange pendant que mon regard continue à se promener dans la pièce. Les odeurs d’épices, d’alcool et de rôtisserie me chatouillent le nez. Des alambiques trônent au centre de la pièce et le nouveau tableau des requêtes aux patrouilleurs semble un peu vide encore. Il faudra du temps, mais les gens savent que nous sommes là pour eux.

On commence tranquillement à organiser l’expédition. On veut faire de moi porte-étendard. Après tout, aller à la rencontre d’un griffon, c’est inespéré. Cette responsabilité pèse sur mes épaules. J’espère que tout ira bien. Puis, le sujet d’une précédente expédition chaotique vient sur la table. Cela ne va pas nous faciliter la tâche. La créature pourrait être encore plus hostile. Je renifle avec dédain. Quelle idée de laisser des brutes pareilles gérer une situation aussi délicate. Heureusement, nous avons invité Pietr à nous rejoindre. Il pourra nous éclairer sur ce qu’il s’est passé et ses connaissances pourraient nous être utiles. A peine le nom de l’adolescent est-il prononcé qu’il fait son entrée, un bandeau rouge sur la tête. Il trébuche, sourit maladroitement et fait le coq auprès de Gwydolin et son apparence juvénile. Je lève les yeux au ciel.

Il nous raconte son précédent périple. Confus, mais très enthousiaste. C’est déjà ça. Au moins, il ne veut pas de mal au griffon contrairement au reste du groupe qu’il accompagnait. Il pense que c’est une femelle à cause de sa taille impressionnante. D’après lui, les griffons sont territoriaux, mais celle-ci semble l’être un peu trop. Peut-être est-elle dressée ? Il mentionne des ogres. Dangereux, si c’est vrai. La discussion se poursuit et nous établissons plusieurs stratégies avant de compléter notre équipement par de grandes quantités de viande. Une fois prêts, nous prenons la route. Deux Sidhes, deux humains dont une qui voit les morts et l’autre qui se change en animaux, accompagnés d’un dresseur de créatures fabuleuses de 15 ans, d’un rat hypertrophié et d’un chien elfique qui partent à la recherche d’un griffon. Une bien étrange équipe.

 

Un obstacle imprévu

Le trajet se passe bien. Okoth est heureux d’être de retour, l’ambiance est bonne et détendue. Tout le monde semble ravi d’être sur les routes. La recherche du griffon est sur toutes les lèvres. Excitation, curiosité. Pietr, lui, suit Gwydolin comme son ombre et elle l’ignore complètement. Je souris intérieurement. On avance d’un bon rythme, la vue est dégagée et nous sommes encore assez proche de la Traverse pour qu’aucun risque majeur ne soit encouru. Puis, au détour d’un passage, Okoth perçoit quelque chose. Un éboulement, un petit chariot, des corps et une nuée vrombissante en train de se repaître d’une silhouette qui se traîne sur le sol et d’une mule à la patte brisée. La silhouette semble à peine en vie. L’animal lui panique, mais ne parvient pas à se relever. Contourner ou intervenir ? Des vies peuvent encore être sauvée. Nous nous approchons encore un peu. La nuée est de plus en plus bruyante. Des stryges. Ces sangsues volantes se repaissent des victimes de l’éboulement. Je serre les dents, il faut qu’on trouve un moyen de les aider. Et puis, laisser des stryges errer aussi proche de la Traverse pourrait être dangereux. Pietr s’inquiète. La nuée est massive. Peut-être qu’il y a un nid pas loin ? Je l’interroge. Il me dit que le feu peut les faire fuir. Une attaque frontale est trop risquée. Nous serions les prochains au menu. Les esprits de Kahanna lui confirment la possibilité d’utiliser le feu. Ils lui disent qu’on ne peut pas être pacifique avec ces créatures. Elles sont trop agressives. Okoth grimpe sur la colline espérant avoir un meilleur point de vue et intervenir grâce à sa magie. Je me concentre. J’ai encore peu de maîtrise sur la magie des éléments en moi. Mais je dois essayer. Je me concentre sur l’arbre tombé pendant l’éboulement. Il est assez près pour que les flammes et la fumée fasse fuir les oiseaux, mais suffisamment à l’écart pour ne pas être un danger pour les survivants. Pendant ce temps la silhouette a arrêté de bouger. J’essaye de l’ignorer et appelle ma magie. Les flammes se déversent alors sur l’arbre et produisent beaucoup de fumée. D’autres stryges sortent. Les créatures paniquent. Au moins, elles ont arrêté de se nourrir. Okoth tente de les faire fuir plus vite en usant d’un de ses éclairs, mais l’écho de la foudre sur les pierres est étouffé par le bruit de l’incendie. Je garde le contrôle sur les flammes afin de ne pas mettre le feu à la lande. Enfin, les stryges prennent la fuite, le feu et l’épaisse fumée ont raison de leur appétit. Elles foncent droit sur nous. J’essaye d’étouffer un peu les flammes, mais je ne peux pas maintenir ma magie trop longtemps au risque de finir vidée de mon sang. Je finis par me mettre in extremis à l’abri et cherche du regard mes compagnons. Gwydolin a l’air bien à l’abri dans une cavité, Okoth est sauf sur la colline. Kahanna est hors de vue derrière un rocher. Pietr lui est coincé au milieu du chemin. La nuée fonce droit sur lui. Je suis trop loin pour intervenir. L’adolescent se plaque au sol. Heureusement, la foudre d’Okoth résonne de nouveau. Cette fois avec force. Elle déchire le mur que formait les stryges. Plusieurs tombent au sol, les autres s’éparpillent. Le danger est écarté. Je sors doucement de ma cachette et vois Kahanna menacée par une énorme vipère. Des ondulations bleues et vertes. Rhaja. Il fonce sur le serpent mais n’a pas encore assez pris corps. Il ralentit le serpent mais ne l’arrête pas. Le reptile enfonce ses crochets dans la jambe de Kahanna. Je me précipite, attrape l’animal et le jette au loin. Il roule avant de fuir à son tour. Le mal est fait. Le venin est dans son sang. J’attrape un tissu et fait un garrot à Kahanna. J’envisage d’aspirer le venin. Risqué, mais nécessaire. Heureusement, elle sort de sa besace un champignon étrange et l’avale. Un antidote. Je retombe dans la poussière. Soulagée. Personne n’a été blessé gravement. Chacun prend un peu de temps pour souffler. L’inspection du chariot est macabre : un halfelin et un humain aux allures de bandits, deux personnes âgées, un homme et une femme, et un jeune homme, probablement leur fils. Aucun survivant. Okoth fait parler ses dons, il apprend que nous sommes face à une famille de citadins Aubertine et Zakariel Grise-tête, des fermiers, et probablement leur fils, Arade Grise-tête, artisan. Okoth tente aussi son pouvoir sur l’un des bandits, un halfelin pied-léger, du nom de Bill Roulecolline. Un vulgaire bandit. Rien n’indique que lui ou son compagnon appartenaient à une organisation criminelle. Quant à la scène, elle laisse peu de place au mystère. En voulant tendre une embuscade à la petite famille probablement en route vers l’arbre des opportunités un peu plus loin, ils ont provoqué l’éboulement d’une partie de la colline, faisant tomber l’arbre avec. Arbre qui devait abriter le nid des stryges. Pas de chance. Moi, je suis auprès de la mule, elle souffre mais la vie commence à la quitter. Je m’assoie au sol et pose sa grosse tête sur mes genoux en lui parlant doucement. Elle finit par quitter ce monde en douceur. A peine est-elle morte que je remarque une odeur nauséabonde. De la pourriture. Je laisse mon nez me guide. Ouvre un sac. La nourriture à l’intérieur a complètement pourrie. Ma magie des éléments donne, mais elle prend aussi. Rien n’est gratuit. C’était son tribu. Comment faire pour appâter la griffon maintenant ? Mon regard se lève vers la mule. Nouveau soupir. Je sors mon poignard et commence mon macabre travail. Peu de temps après nous sommes prêts à repartir. Nous avons pris les pièces d’or et la corde Sidhe qui étaient dans le coffre. Laissons derrière le reste de son contenu – des tissus précieux – nous les récupèrerons au retour.

 

Projection astrale et rodéo sauvage

La suite de notre route se poursuit sans encombre. L’après-midi commence à peine et la tour est enfin en vue. Une partie est effondrée. Le chemin trouvé par notre guide semble nous y mener. L’endroit est un peu plus dégagé que le reste de la route. Quelques buissons et au loin des bosquets. Nous serons difficilement pris par surprise. Tant mieux. Comme convenu, nous déposons notre offrande de chair, puis nous éloignons de quelques pas. Certains vont se cacher dans les fourrés. On ne veut pas effrayer la créature. Je reste en avant, essayant d’être la moins menaçante possible. Quelques instants s’égrènent et soudain elle apparaît. Magnifique. Enorme. Menaçante. Déployant ses ailes, elle prend appui de ses pattes griffues sur le bord de la tour et s’élance. Elle tourne dans le ciel, tel un prédateur et fonce. Droit sur moi. Son cri déchire le calme de la lande. Pietr hurle pour m’avertir. Elle arrive vite. Je ne pourrais pas fuir. Je me souviens alors d’un conseil du jeune dresseur. Si on ne peut pas l’amadouer, il faut l’impressionner. Je prends ma forme de grizzli, me dresse sur mes pattes arrières, les antérieurs largement ouvert. Essayant de me grossir autant que possible, je pousse un rugissement furieux. La griffon, surprise, change brutalement de direction et reprend de la hauteur. Je fais les cents pas sans la lâcher du regard. Elle semble perturbée par ce qu’il vient de se produire. Le cri d’encouragement d’Okoth me parviennent. Je le vois du coin de l’œil et soudain il disparaît. Invisible. Je regarde rapidement mes compagnons. Huan est auprès de Gwydolin qui se tient prête à intervenir tout comme Kahanna. Leur tension est palpable. Ils patientent. Attaquer maintenant signerait le début d’un combat, à mort peut-être. La griffon tourne encore un peu, puis se pose de nouveau vers les restes de la mule. C’est là que je les vois. Des marques. Des cicatrices profondes et anciennes. Peut-être celles de combats, mais si cette créature a été dressée… Alors ses maîtres sont des monstres. Pas étonnant qu’elle soit aussi agressive. Elle pousse un cri d’avertissement. Un cri d’aigle. Si l’ours de fonctionne pas. Peut-être qu’elle se reconnaîtra dans un animal plus proche ? Je change de forme. Mon corps d’aigle aplatit au sol, je fais mon possible pour lui faire comprendre que je ne suis pas une menace. Un peu plus calme, elle attrape un gros quartier de viande et retourne à la tour. Pietr s’approche de moi. D’après lui, elle ne vit pas seule. Elle doit avoir un allié dans la tour. C’est pour ça qu’elle reste ici. A ce moment-là, ma vue acérée me permet de voir un mouvement dans la tour. C’est confirmé. Kahanna propose de se projeter dans la tour. Elle ne l’a jamais fait auparavant. C’est un pari risqué. Mais il le faut. Nous devons en savoir plus.

Pendant ce temps, je prends mon envol. Un morceau de viande entre mes serres. Une offrande à cet être dont le regard m’a étonné par son intelligence. Je fonce dans le ciel bleu en direction de la tour. Arrivée au sommet, je vois la griffon nichée au sommet de la tour, parmi les éboulements. Face à elle, deux gobelins qui essayent de lui parler. Je n’entends pas ce qu’ils disent d’où je suis. Je lâche un bout de viande tout en restant à distance. Les gobelins me remarquent, s’agitent. La créature prend alors son envol, prête à me déchirer de ses griffes. Trop rapide. Trop puissante. Fuir face à un tel prédateur serait suicidaire. Tout comme ne rien faire. Une idée me traverse l’esprit. Si ça échoue, c’est terminé. Mais si je réussi… Ma décision prise, je fonce droit sur elle aussi vite que mes ailes me le permettent. Nos deux silhouettes se rencontrent. Je sens ses serres griffer mon aile, mais je parviens à passer. Heureusement, mes dons me permettent de résorber la blessure à mesure que je reprends forme humaine. Commence alors une chevauchée enragée. La griffon, furieuse, fonce à travers les airs. Je me cramponne de toutes mes forces. Elle vrille, plonge en piqué, remonte brutalement. Essaye par tous les moyens de me faire chuter. Mes camarades en bas ne peuvent qu’observer. S’ils tentent d’intervenir, ils risquent de me blesser. Pietr et son rat foncent vers la tour fouillant dans un carnet, tout comme Okoth. Je ne vois pas Gwydolin. Elle a dû rester près du corps de Kahanna. Je m’accroche coûte que coûte alors qu’elle rase les murs de la tour et la cime des arbres. J’essaye de l’apaiser. De la toucher de mes mots. Mon cœur bat à cent à l’heure. Les muscles puissants de la fabuleuse créature nous emportent toujours plus vite, mais ma voix reste douce. Je résiste à la tentation de fermer les yeux. La chevauchée avec Caïn me semble bien loin à ce moment-là. Les secondes semblent des heures. Mes mains cramponnées à la griffon me font mal. Je n’ai pas peur de chuter. Je pourrais toujours me transformer. Mais si je chute sans avoir réussi à apaiser la créature, nous ne pourrons pas éviter le combat. Je le sais. Elle se battra jusqu’au bout. Le temps passe et petit à petit je la sens faiblir. Je continue à lui parler malgré la douleur dans mes doigts. Répétant en boucle les mêmes mots : « Nous ne te voulons pas de mal. », « Fais-moi confiance. », « Nous ne sommes pas une menace. », « Apaise-toi. ». Elle semble réagir lorsque je lui parle en commun. Elle se pose alors sur une hauteur, épuisée. Tout comme moi. Je reste un instant sur son dos. Je reprends mon souffle, relâche mes doigts qui protestent contre ce changement de posture. Sa furie apaisée, je descends. La griffon hésite. Comme si l’espace d’un instant elle envisageait de me pousser dans le vide. Puis elle plonge dans mon regard. Elle me comprend. Elle me reconnaît. Celle qui l’avait nourrie alors que d’autres voulaient la chasser. Puis, ce moment de pur connexion s’éteint et elle reprend son envol vers la tour. Elle ne me veut plus de mal désormais. En tout cas, pas si elle peut l’éviter. Je le sais au fond de moi. Je m’envole à sa suite.


Du sang et des larmes

Lorsque je rejoins mes camarades, ils font face à un ogre immense et hilare armée d’une massue cloutée. Okoth semble essayer de trouver un arrangement. Ce qui fait encore plus rire notre opposant. De nouveau humaine, je leur fais un rapide point sur ce qu’il s’est passé. La griffon ne nous attaquera plus sans y être forcée. J’en suis convaincue. Elle est d’ailleurs posée en retrait et observe la scène. L’ogre ne semble pas apprécier que ses « casse-croûtes » fassent des cachoteries. Il s’énerve. Commence à s’avancer sur nous, prêt à nous réduire en charpie et à nous dévorer. Okoth lance un sort. Sans succès. Puis se replie vers moi. Gwydolin qui peu de temps auparavant avait mis en place une barrière de protection, aveugle le monstre nous faisant gagner quelques secondes. Kahanna, elle, déchaîne le vent. Roches, branches et tout objet à portée s’envolent et viennent le frapper. Fou de rage, l’ogre pousse un hurlement et fonce de plus belle. Il appelle le griffon qui prend son envol et fait des cercles au-dessus de nous. Je fonce alors dans ma peau d’ourse, mais la barrière de Gwydolin me bloque, je dois la contourner. Okoth se rapproche de la barrière qui se dissipe et invoque à nouveau son éclair. Mais celui-ci se retourne contre lui et le frappe. Sonné, il se laisse tomber au sol. Kahanna se précipite pour l’aider et je vois le bouclier de Gwydolin un peu plus loin se mettre en place autour de lui. Je profite de la disparition de la barrière. Fonce sur l’ogre en poussant un rugissement rageur. D’un coup de patte, j’écarte sa massue. Me jette sur lui alors qu’il riposte. Je sens la morsure des clous, mais réussi à le faire basculer au sol en déchirant son ventre mou de mes griffes. La blessure est grave. Douloureuse. Il est bien amoché. Il est tout près d’Okoth et Kahanna, mais se concentre sur moi. Blessée également, je reprends forme humaine et résorbe une fois encore les dégâts. L’ogre me repousse et m’envoie valser un peu plus loin. Sonnée, j’essaye de m’éloigner le temps de reprendre mes esprits et de me jeter à nouveau dans la lutte. La griffon pousse un cri aigu, mais n’attaque toujours pas. Elle attend l’ordre. Gwydolin a son tour tire l’une de ses flèches et touche l’ogre à la tête. Il est à l’agonie maintenant. Okoth mobilise à nouveau ses pouvoirs. Il essaye de contraindre l’ogre. Ce n’est pas assez rapide. L’ogre crie et la griffon plonge droit sur Okoth et Kahanna. Je crie à mon tour, tentant d’arrêter l’attaque. Je suis trop loin. Gwydolin envoie sa lumière et tente de l’aveugler sans parvenir à la ralentir. Okoth et Kahanna semblent impuissants alors que la créature fonce vers le sol. L’aveuglement, les cris et le sang semblent totalement lui avoir fait perdre la tête. Elle griffe, déchire, sans plus se préoccuper de qui est l’ennemi ou l’ami. Kahanna arrive à tirer Okoth qui a été gravement blessé et se vide de son sang afin de le mettre à l’abri. Elle et Gwydolin entourent le Sidhe patrouilleur. De mon côté, je me concentre sur la griffon essayant de nouveau de l’apaiser afin que pas plus de mal ne soit fait. Elle semble perdue. Elle regarde le cadavre de l’ogre qu’elle a déchiré de ses serres. S’apaise. Ne semble pas comprendre ce qu’il se passe. Je lui parle doucement. Elle me laisse l’approcher, me renifle, sans pour autant me laisser la toucher. Je n’essaye même pas. Du coin de l’œil, je vois deux silhouette, les gobelins probablement, s’enfuir avec des sacs sur le dos. Je m’en désintéresse. S’ils fuient, ils ne sont pas un danger. Ghulham, elle non plus n’en est plus un. Une fois assurée de son calme, je lui parle à nouveau.

« Tu as le choix à présent. Je te tends la main. Tu peux quitter cet endroit ou venir avec moi. Je ne te ferais pas de mal et ne laisserai personne te blesser si tu m’accompagnes. Je te protègerai. Si tu ne veux pas venir, c’est ton droit. Mais alors pars loin d’ici, car d’autres pourront venir te chasser. Te faire mal. Tu peux me faire confiance. Mais tu es libre de choisir. »

Nos regards se croise à nouveau. Avec une intensité que je n’ai jamais ressentie avec un animal. Elle me comprend, aucun doute là-dessus. Elle hésite, regarde la tour, l’horizon, le groupe, moi.

« Eux non plus ne te feront pas de mal. C’est fini. »

J’ai l’impression qu’elle va partir, puis elle me regarde de nouveau et s’approche de moi. Quelque chose change entre nous. Je sens soudain en elle détermination et loyauté. Elle me suivra partout où j’irai. A moi de respecter mes promesses à présent. La respiration saccadée d’Okoth me ramène à la réalité. Je me dirige lentement vers eux, Ghulham sur les talons. Elle aussi observe.

Okoth est inconscient. Autour de lui, Gwydolin et Kahanna déversent leur magie. Elles tentent tout pour le sauver. Les plaies se referment doucement, mais il est toujours inconscient. Les secondes passent. Sa respiration s’accélère légèrement. Il ouvre les yeux. Il semble faible. Mon cœur se serre alors qu’il croise mon regard. Il n'y a plus d'espoirs. Sans un mot, j’essaye de lui transmettre un dernier au revoir serein. Admiration. Respect. Gratitude. Un au revoir pour un camarade. Ses yeux brillants me transmettent également ces sentiments. Je hoche la tête. Il se détourne vers Kahanna. Entre eux aussi l’adieu est silencieux, apaisé. Okoth lui sourit avec douceur et se tourne enfin vers Gwydolin. La jeune Sidhe a le visage baigné de larmes. Lui aussi pleure maintenant. Il s’éclaircit la voix d’une toux ensanglantée. Partages ses regrets. Regret d’abandonner la patrouille, regret de ne pas avoir été plus pour sa fille. Alors qu’il parle, un esprit se matérialise peu à peu auprès de Gwydolin. Un elfe chevaucheur à la chevelure brune et regard plein de tristesse et de douceur mêlées. Lui aussi est là pour dire adieu à Okoth qui poursuit son au revoir. Les regrets sont passés maintenant. Il parle de la foi en la patrouille, en sa fille. De l’étoile de sa défunte compagne toute proche dans le ciel. Puis, il se tait. Une comptine remplace les mots. Le Sidhe nous offre une dernière représentation. Son corps s’illumine peu à peu. Alors que les dernières notes résonnent, il ne reste que ses vêtements. Sa lumière s’élève dans le ciel bleu et froid. Son étoile apparait auprès de celle de sa compagne. Ils veilleront éternellement. La quiétude du moment est brisée par les hurlements des animaux qui nous accompagnent et les pleurs des jeunes. Kahanna prend Gwydolin et moi dans ses bras. Et je tends ma main pour attraper l’épaule de Pietr qui sanglote. La tristesse est dans tous les cœurs. Un moment passe, puis un autre. Les pleurs deviennent un peu plus silencieux. Il est temps de prendre la route.

 

 

La mort d'Okoth vue par Kahanna

(à venir)