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  1. Journals

30 - La chute de la Maison Dhurst

Résumé
2019-10-11

Bourg de Galway (Cercle de Loki),

le ??????

 

Chère Maman

 

Je suis navré de ne pouvoir vous indiquer une nouvelle fois une quelconque date à la présente lettre. Il s’avère en effet que nous sommes encore entourés, mes sœurs, mes frères et moi-même, par cet étrange brouillard qui rend toutes choses indistinctes, même le temps qui s’écoule. Toutefois, nous avons fait quelques progrès ces derniers jours, la brume n’est plus aussi proche de nous qu’à notre arrivée et nous avons pu nous éloigner de la Maison des Dhurst.

Mais laissez-moi vous conter en détails nos derniers exploits, et je ne doute point que vous serez fière de votre fils, préféré et par ailleurs unique.

 

Vous vous souvenez sans doute que, pendant que le reste de la troupe découvrait la salle du rituel où se terraient l’immonde Logorth et ses 13 ombres, Zaath et moi-même avions décidé de fouiller la salle des reliques? Nous avons pu y dénicher avec déception quelques breloques macabres non magiques qui nous ont semblé sans importance. C’est au moment où mes autres frères et sœurs sont venus nous retrouver que nous avons entendu les enfants Dhurst (ou du moins ce qu’il en restait) parlementer en notre faveur avec les treize ombres du démon dans la salle du rituel. Rosevalda et Epinbolt se sont montrés intransigeants et sont arrivés à obtenir que l'heure accordée avant de remettre Zaath au sacrifice soit une pleine journée, et non plus une simple et unique heure comme Atalante l’avait négocié auparavant. Je dois dire que j’ai connu ma sœur meilleure négociatrice, force à croire qu’elle a dû être fortement impressionnée par le démon pourrisseur car si mes souvenirs du temps passé avec Maistre Boldornen, mon précepteur en sciences arithmétiques, ne me trompent pas, le résultat obtenu ici par les deux rejetons Dhurst surclasse de 2300% celui arraché par ma sœur, n’est-il pas ?

Mais faisons fi de la mathématique ! Grâce aux enfants, nous avions maintenant un peu plus de temps pour nous sortir de ce cauchemar et décidions alors de concert de fouiller le rez-de-chaussée en passant par la trappe qui menait à la salle aux trophées. Une fois remontés, la maison nous parut soudainement avoir changé. Bien plus délabrée qu'avant, elle était surtout en train de se détériorer avec force célérité. L’atmosphère y était glaciale et il nous a coûté guère de temps pour nous rendre compte que les fenêtres étaient murées et l'entrée barricadée pour empêcher les gens de sortir de la demeure (barricades qu’il m’a fallu démonter, à raison comme vous pourrez le constater en lisant la suite de cette lettre).

C’est alors qu’Atalante s'est adressé soudainement à la maison, si l'on puit dire, dans une langue gutturale et fort dissonante (je ne peux vous dire plus précisément ce qu’était précisément ce langage, ce sont les seuls qualificatifs qui me viennent à l’esprit), lui sommant de nous laisser la journée comme cela avait été accordé aux enfants quelques temps auparavant. Je ne sais trop ce qui lui a pris de faire une chose pareille, sans doute souhaitait-elle se rattraper aux yeux de tous pour sa piètre négociation précédente. Néanmoins, contre toute attente, la bâtisse s’est mise alors à se rénover par elle-même, comme si elle remontait le temps et inversait le cours de sa décrépitude.

Ayant une nouvelle fois réussi à repousser l’instant fatal, nous avons alors décidé de fouiller la dernière pièce du manoir que nous n'avions pas encore visitée, à savoir la salle de musique, d'où provenaient des aboiements rauques de molosse. La bête en question était un grand chien type berger, famélique mais vivant. Une fois apprivoisée par ma sœur Lilith, la bestiole s’est avérée douée de paroles et de raison ; voilà qui m’a semblé étrange pour une race connue pour ses capacités limitées à regrouper des brebis et à apporter une mauvaise liqueur aux égarés dans les tempêtes de neige. Mais il ne fallait simplement y voir là que la main de la magie venue de mondes lointains car la créature s’est présentée à nous comme étant un « céleste » du nom de Lancelot. Le chien nous a expliqué avoir eu une maîtresse, une certaine Gherta de Galway qui aurait été enlevée par quatre hommes, puis avoir été recueilli par la suite par les enfants Dhurst. Après un court débat, le céleste s’accorda à nous accompagner pour défaire le démon de la cave.

Il était alors temps pour nous de passer à l’offensive. Notre plan était simple, Atalante devait simuler le sacrifice de Zaath, tandis que moi-même, fortement soutenus par les sorts et potions des autres membres de la fratrie, avait pour tâche de concentrer mes efforts à détruire Logorth. Le reste de mes frères et sœurs devait, pendant ce temps, contenir au mieux les 13 ombres.

Une fois tous arrivés dans la salle du rituel, le fantôme du père Dhurst est apparu non loin de l’autel et dès qu’il a été évident que nous avions décidé de nous débarrasser de l’ignoble démon trônant au fond de la pièce, le revenant s’est avéré être un allié de poids, focalisant son énergie d’outre-tombe à retenir les 13 servants de Logorth le pourrisseur. Nous avons alors pu concentrer tous nos efforts à défaire ce dernier. Je dois dire que, même si j’ai porté le coup fatal à l’abominable créature, agglomération informe de chair tuméfiée surplombée par la tête du dernier né des Dhurst, l’intervention d’Hagbard fut une nouvelle fois prépondérante à notre succès.

Je crois vous avoir déjà parlé de mon grand frère, valeureux combattant entre tous. Il a récemment décidé de se vêtir d’une cape au large col et d’un masque qui lui recouvre toute la figure. Je dois dire que cela lui donne une allure que je lui envie. Je compte d’ailleurs demander quelques sous à Atalante ou Markku lorsque nous atteindrons la prochaine ville pour me rendre chez un tisserand et essayé de m’y procurer moi aussi une grande cape. Quant au masque, je peux essayer de m’en faire un à partir d’un simple bandeau en découpant deux trous pour les yeux. Je nous imagine déjà allant tous deux au combat, guerriers énigmatiques et terrifiants, un peu à l’image des héros de mon enfance dont vous me racontiez les aventures le soir avant de m’endormir. Quel style nous aurions alors !

Mais revenons à notre salle du rituel. Le démon avait maintenant été défait et la maison commençait à s’effondrer de toute part. Nous est alors apparu le fantôme de Margareth, la gouvernante des Dhurst, pour nous guider rapidement hors de la demeure (c'est ici, vous le comprenez, que mon acharnement passé à dégager l'issue menant à l'extérieur est apparue des plus sagaces aux yeux de tous).

Ah, mais j’ai oublié de vous narrer une chose comique concernant notre affrontement précédent ! Lancelot avec ses airs supérieurs malgré sa pitoyable apparence canine n’a même pas le temps de dire « ouaf » avant d’être pulvérisé par le démon dès le début de la rixe. Céleste ou pas, un chien reste un chien…

Une fois hors de la maison, nous avons tous eu une vision juste avant son effondrement définitif, celle d’une famille Dhurst unie et identique à celle du grand tableau du hall d’entrée, sauf que Margaret y avait pris la place d’Ezrebeth.

Il était maintenant temps pour nous de laisser derrière nous cette sombre histoire et de prendre la direction du bourg le plus proche, à savoir Galway. C’est alors qu’est soudainement apparue sur le chemin notre sœur Aldamia, jumelle de Zaath. Cela faisait des années qu’elle avait quitté l’orphelinat avant d'y revenir lorsque je vivais moi-même au chateau près de vous, et sa venue nous surprit tous au plus haut point. Elle nous expliqua avoir été mandée par Ute pour nous retrouver car nous n’avions pas donné de nouvelles depuis plus de six longs mois (comme je vous l’ai expliqué en introduction de cette lettre, le temps ici s’écoule étrangement…). Aldamia a en tout cas fort changé et ce n'est plus la petite fille que j'avais connue bien avant qu'elle fasse son retour à l'orphelinat, gamine morveuse aux nattes brunes qui rechignait à dormir dans une paillasse mal entretenue; c'est maintenant une vraie femme aguerrie, armée d'un lourd marteau mais sachant mettre en valeur ses indiscutables atouts féminins. Nul doute que ses talents (certains de mes frères et sœurs les plus grivois diront qu'elles en compte au moins deux) nous seront des plus utiles rapidement.

 

Tous réunis, nous n’avons pas tardé par atteindre Galway. C'est un bourg de taille moyenne surplombé d’un imposant château. Les habitants y ont la drôle de coutume de suspendre des tresses d'ails un peu partout, aux portes et fenêtres.

Dans la rue principale, Atalante a acheté quelques victuailles bienvenues à une vieille femme au surnom de « Grand-Mère » qui nous a informés que le seigneur du lieu était appelé « le diable » et que, tout comme nous, les habitants de Galway ne pouvaient quitter le lieu à cause de la brume.

Nous avons choisi de passer la nuit à l'auberge du coin, qui s’est révélé être fortement barricadée pour la nuit ; il nous a même fallu montrer patte blanche en croquant dans une gousse d'ail pour pouvoir y pénétrer. Les us de ces régions nordiques sont décidément des plus pittoresques !

Arick, l’aubergiste, nous a froidement accueilli dans son réfectoire où trois sœurs au teint mat jouaient aux cartes tandis qu’un homme aux yeux rougis et à l'air mélancolique était installé à boire à une autre table. Nous n’avons pas tardé à apprendre qu’il s’agissait d’Ismark, le fils du bourgmestre récemment trucidé par le seigneur du lieu pour s’être interposé en voulant sauver sa fille.

Nous sommes maintenant presque tous réunis dans le dortoir commun et je finis de vous écrire ces quelques lignes à la lueur d’une chandelle presqu’entièrement fondue. J’entends Hagbard ronfler doucement dans sa couche, à côté. Cette dernière journée a été harassante pour tous et il s’est endormi en quelques secondes, sans avoir eu le temps d’ôter son masque.

Peut-être devrais-je lui enlever pour lui permettre de mieux profiter de ces quelques heures de repos ?...

 

Je vous embrasse,

 

Votre fils dévoué, Casper